Emission du 19 septembre 2017
Né à la fin des années 80 dans les résidences universitaires d’Abidjan, le zouglou sera reconnu comme une philosophie estudiantine de révolte contre les tares de la société ivoirienne. Il a été l’expression musicale de la crise universitaire, sociale et politique de 1990 en Côte d’Ivoire. Bilé Didier, son précurseur parlait d’une danse philosophique pour implorer Dieu afin qu’il vienne au secours des étudiants confrontés à de multiples problèmes.
ZOUGLOU
Le zouglou est un genre musical moderne, mais a subi plusieurs changements depuis sa création. Le zouglou est encore de nos jours le genre le plus populaire en Côte d'Ivoire.
La Côte d'Ivoire a un très riche patrimoine musical et de nombreux chanteurs légendaires de musique populaire, comme Amédé Pierre, Allah Thérèse et beaucoup d'autres, se sont inspiré des traditions musicales de leur région d'origine et chantaient dans leurs langues régionales. Par conséquent, la musique de ces artistes n'était pas considérée comme vraiment représentative d'une nation qui compte plus de 70 groupes ethniques différents.
La popularité de la musique zouglou provient en partie de sa position de genre musical national supra-ethnique : il n'est pas associé à une région ou à un groupe ethnique particulier. Etant un nouveau genre musical urbain, le zouglou se distingue par son utilisation de l'argot parlé dans les rues d'Abidjan.
Les origines du Zouglou
Le zouglou prend ses racines musicales dans les styles musicaux ivoiriens locaux tels que le Tohourou et l’ Aloucou de l'ouest de la Côte d'Ivoire. Ces styles étaient populaires dans les centres urbains durant les années 60 et 70.
La base musicale du zouglou vient d'un style de chants connus sous le nom « ambiance facile » ou woyo.
Ce sont des chants accompagnés de musique de percussion créée sur instruments improvisés tels que grattoirs en métal, bouteilles en verre et sur des tambours.
Le Zouglou est né des chansons qui accompagnaient les compétitions sportives dans les écoles en Côte d'Ivoire dans les années 1980. Des groupes d'étudiants, qui se faisaient appeler "comités de supporters", accompagnaient les équipes sportives aux matchs et créaient des chansons pour encourager leurs équipes. Comme les équipes scolaires et leurs comités de supporters voyageaient à travers le pays pour jouer contre d'autres écoles, ils apprenaient en cours de route de nouvelles mélodies et rythmes.
Les sessions de musique ambiance facile et woyo étaient un passe-temps apprécié dans les quartiers populaires d'Abidjan. Le Zouglou , cette musique de loisir est toujours populaire à travers la Côte d'Ivoire. A travers les rencontres sportives et les séances musicales de quartier, l'ambiance facile s'est imprégnée des rythmes et mélodies des différentes régions de la Côte d'Ivoire. Le zouglou s'est également inspiré de ces rythmes et mélodies et est ainsi devenu le premier style musical considéré comme multi-ethnique et représentatif de la Côte d'Ivoire.
Inventé en 1990, le zouglou était d'abord une danse des étudiants résidant dans la cité universitaire de Yopougon à l'Université de Cocody à Abidjan, désormais appelée Université Felix Houphouët-Boigny. Cette danse consistait à lancer les bras en l'air avec des mouvements angulaires, imitant une supplication demandant à Dieu d'aider les étudiants universitaires qui souffraient sous les coupes budgétaires dans le secteur de l'éducation (moins de bourses, logement étudiants, restauration et transport inadéquats, etc.)…………………..
Grâce à l'énergie créatrice des étudiants universitaires, le mot « Zouglou » est devenu connu du grand public. Mais pourquoi « Zouglou », et quelle en est la signification ? « Zouglou » est en fait un mot inventé par les étudiants pour décrire cette manière particulièrement excentrique de danser. Cependant, ce mot évoque les mauvaises conditions de logement dans les dortoirs des étudiants.
Première génération
Les premières chansons zouglou enregistrées sont « Glogbo Koffi »(1991) par Didier Bilé et les Parents du Campus Ambiance et « Zomamanzo » (1991) par Poignon et Zougloumania, ainsi que « Ziopin (Faut pas fâcher) » (1992) par Les Potes de la Rue.
Depuis ses débuts, le zouglou est caractérisé par des textes directs. Les premières chansons décrivaient la détérioration des conditions de vie des étudiants universitaires ou se moquaient des préjugés ethniques.
Cela a révolutionné la musique ivoirienne, dont les paroles étaient généralement jusque-là plus subtiles et codées.
Le groupe Zougloumania a transféré le zouglou du milieu étudiant vers les quartiers populaires d'Abidjan qui, bien sûr, étaient déjà familiers avec le son ambiance facile appelée aussi woyo. Un autre des groupes célèbres de l'époque était Système Gazeur. Ces groupes constituent la première génération de musiciens de zouglou, la génération des précurseurs.
Deuxième génération
Au milieu des années 1990, le zouglou a traversé une crise sévère. Les groupes se séparaient, certains des musiciens clés avaient quitté le pays, et il y avait des différends et allégations de plagiat entre artistes. Cependant, deux nouveaux groupes ont révolutionné le genre avec leurs chansons satiriques et politiquement engagées : Yodé et Siro (d'abord connu sous le nom Poussins Chocs) avec la chanson « Asec Kotoko » (1996) et Les Salopards avec leur album Génération Sacrifiée (1997). C'était l'arrivée de la deuxième génération de musiciens de zouglou dont font partie certains des groupes les plus populaires de zouglou, tels que le groupe Magic System avec l’album 1er Gaou(2000),Les Garagistes avec l'album Tapis Rouge (2003) et Espoir 2000 avec l'album Gloire à Dieu (2006).
En mettant l'accent sur la critique sociale et politique, le zouglou s'est développé en une forme de contre-culture ivoirienne.
Les musiciens de zouglou représentent le point de vue des jeunes marginalisés et des catégories sociales défavorisées. Ils critiquent le comportement dévastateur des riches et politiquement puissants en Côte d'Ivoire.
Les artistes de zouglou considèrent que leur rôle est de dire la vérité au pouvoir. En effet, comme dit un nouchi (argot ivoirien des rues) célèbre, «gbê est mieux que drap»: la vérité est mieux que la honte. Le zouglou a donné aux jeunes d'Abidjan une plate-forme à partir de laquelle ils peuvent participer au débat public.
La deuxième génération est aussi la génération qui a rendu le zouglou célèbre sur la scène internationale. En 2000, la chanson « Premier Gaou » du groupe Magic System est devenue un hit à travers l'Afrique ainsi qu'en France. Les Magic System sont depuis restés dans les hit-parades français, mêlant leur zouglou avec de la musique dance.
Troisième génération : concerts en live
Les concerts et spectacles demeurent une source majeure de revenus pour les musiciens de zouglou. Cependant, jusqu'à récemment, les artistes qui jouaient en direct faisaient principalement du playback. Les performances étaient également entravées par le manque de lieux appropriés et le coût élevé des salles de concerts.
Depuis la fin des années 2000, il y a eu un nouveau développement. De nombreux nouveaux maquis (restaurants en plein air) ont ouvert ainsi que de nouveaux espaces de performance aux prix abordables dans lesquels les artistes se produisent maintenant en direct, plutôt qu'en playback. Cette tendance démontre la professionnalisation croissante de ce genre musical. Les As du Zouglou, Les Pro du Zouglou, Connexion et Zouglou Makers sont quelques-uns des groupes de la troisième génération qui font régulièrement des concerts à Abidjan. Un certain nombre d'artistes de zouglou sont les propriétaires et gèrent ces lieux qui sont devenus des points de référence de la vie nocturne d’Abidjan.
En l'espace de 20 années, la musique zouglou est passée de passe-temps des étudiants universitaires au statut d'une des musiques les plus populaires de la Côte d'Ivoire, et est devenue un élément clé de l'identité culturelle ivoirienne. La popularité du genre s'est propagée au-delà des frontières nationales et au travers de l'Afrique de l'Ouest francophone. Grâce à ses artistes novateurs et malgré les défis posés par le piratage, le zouglou devrait rester un élément important du paysage culturel de la Côte d'Ivoire pendant de nombreuses années à venir.